Médée**, Corneille

Quand les Argonautes arrivent en Colchide* pour conquérir la Toison d'or, ils se heurtent à l'hostilité du roi Æetès, gardien du trésor. Mais sa fille, Médée, s'éprend de Jason et use de sa magie pour l'aider à conquérir la Toison d'or. Elle trahit alors son père, prend la fuite avec son amant et n'hésite pas à tuer son frère, lancé à leur poursuite. Mais elle est abandonnée par Jason qui lui préfère la jeune Créuse, la fille du roi Créon. Médée connaît alors un tel désir de vengeance qu'elle se dit prête à tuer ses propres enfants pour se venger de son ancien amant. 

* terme ancien, utilisé pour désigner l'ensemble des anciennes tribus qui vivaient sur la côte orientale de la mer Noire jusqu'à une ville de Turquie, Giresun (anciennement nommée « Cerasus »).

Acte V, Scène 2

MÉDÉE

Est-ce assez, ma vengeance, est-ce assez de deux morts ?
Consulte avec loisir1 tes plus ardents transports2.
Des bras de mon perfide arracher une femme,
Est-ce pour assouvir les fureurs de mon âme ?
Que n’a-t-elle déjà des enfants de Jason,
Sur qui plus pleinement venger sa trahison !
Suppléons-y des miens ; immolons3 avec joie
Ceux qu’à me dire adieu Créüse me renvoie :
Nature, je le puis sans violer ta loi ;
Ils viennent de sa part, et ne sont plus à moi.
Mais ils sont innocents ; aussi l’était mon frère ;
Ils sont trop criminels d’avoir Jason pour père ;
Il faut que leur trépas redouble son tourment ;
Il faut qu’il souffre en père aussi bien qu’en amant.
Mais quoi ! j’ai beau contre eux animer4 mon audace,
La pitié la combat, et se met en sa place :
Puis, cédant tout à coup la place à ma fureur,
J’adore les projets qui me faisaient horreur :
De l’amour aussitôt je passe à la colère,
Des sentiments de femme aux tendresses de mère.
Cessez dorénavant, pensers irrésolus,
D’épargner des enfants que je ne verrai plus.
Chers fruits de mon amour, si je vous ai fait naître,
Ce n’est pas seulement pour caresser un traître :
Il me prive de vous, et je l’en vais priver.
Mais ma pitié renaît, et revient me braver ;
Je n’exécute rien, et mon âme éperdue
Entre deux passions demeure suspendue.
N’en délibérons plus, mon bras en résoudra5.
Je vous perds, mes enfants ; mais Jason vous perdra ;
Il ne vous verra plus… Créon sort tout en rage ;
Allons à son trépas joindre ce triste ouvrage.

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